C’est la rentrée, je commence à avoir enfin la possibilité de me poser un peu, alors je vous ai préparé un gros post, plutôt orienté vie professionnelle. Mais pas que !
Avant toute chose, je tiens à dire que ces réflexions ont été inspirées par Mark Manson, ma psy et plusieurs de mes anciens boss/mentors (pas nécessairement dans cet ordre). Et un coach qui m’a expliqué le triangle de Karpman, si tu me lis, merci Fabrice ! Je n’ai ni creusé la question dans des livres, ni suivi de formation en Analyse transactionnelle, alors j’espère que je ne dirai pas de bêtises, mais comme j’ai trouvé ça assez génial, je l’utilise fréquemment dans mes réflexions sur les relations humaines. Si vous n’êtes pas d’accord, n’hésitez pas à m’expliquer pourquoi dans les com’.
Entrons donc dans le vif du sujet : je suis en train de remarquer que je me trouve régulièrement confrontée à un type de personnalité particulier, essentiellement dans le cadre du boulot – mais ça peut s’appliquer aussi au dehors. Je vais les appeler les Sauveurs-Victimes (SV de leur petit nom).
Je pense qu’on en trouve partout, mais que les domaines professionnels un peu idéalistes/exigeants (typiquement, le milieu académique) sont un terreau particulièrement fertile pour ce type de personnes. Ce sont des gens qui vivent pour leur travail, y consacrent la majeure partie de leur temps, et ne comprennent pas que ce ne soit pas le cas de tout le monde. Ils ont en général, (forcément et / ou heureusement vu que c’est l’essentiel de leur vie) atteint un niveau de compétence important, et passent leur temps dans le meilleur des cas, à rattraper/corriger les erreurs des autres (Sauveur), dans le pire à lutter contre leur environnement, soit parce que leur niveau d’exigence les rend cassants/leur attire des inimitiés, soit parce qu’ils sont perçus comme une menace par des gens qui veulent réussir (plus pour leur satisfaction narcissique pour l’amour de la science) (Victime).
En général, ils oscillent d’un rôle à l’autre, mais se présentent fondamentalement comme « Sauveurs ». Le trait « Victime » apparaît à leur corps défendant, on le repère à la longue, en « négatif » de leur auto-promotion dans le rôle de « Sauveur ».
Ce sont des personnes qui se perçoivent comme fondamentalement « seules contre le reste du monde », qui ne comprend rien et ne sait pas être efficace (de leur point de vue). Elles sont seules parce qu’elles sont exigeantes, brillantes, « workaholic ». Et aussi parce qu’elles ne font pas forcément beaucoup d’efforts pour admettre qu’on puisse avoir d’autres priorités dans la vie et que faciliter les relations interpersonnelles améliorera le travail global d’une équipe.
Ayant été élevée par quelqu’un ayant ces traits de personnalité, j’éprouve une forme de tendresse particulière pour eux et j’ai tendance à me précipiter pour les sauver… mais j’ai aussi appris un peu à la dure que ça ne servait pas souvent à grand-chose, à part perdre de l’énergie et de la confiance en l’humanité (rappel : l’humanité est attachante, mais imparfaite. Perfectible, mais seulement si elle le décide. On ne peut pas forcer l’humanité à s’améliorer si elle ne l’a pas décidé elle-même. Oui, je sais, c’est frustrant. C’est insupportable, même. Mais, hélas, c’est comme ça, et puis vite vous l’accepterez, plus vite vous gagnerez un peu de tranquillité d’esprit. De fait, votre colère et votre frustration ne servent à rien à part augmenter votre rythme cardiaque, donc autant vous calmer. Être idéaliste, c’est bien, mais parfois il faut aussi être un peu pragmatique). L’idée de cet article, c’est donc de partager mes constations, parce que j’ai constaté que la population INFJ avait de grosses tendances à se faire prendre dans les filets du SV…
Donc, un petit scénario pour vous aider à mieux comprendre de quoi je parle :
– Notre SV (Sauveur-victime) se plaint à plusieurs reprises d’un problème technique qui lui pourrit la vie et complique le travail.
– une certaine INFJ dont toute ressemblance avec une personne existant réellement n’est pas fortuite lui propose des solutions simples (auquel le SV, vu son intelligence, aurait parfaitement pu arriver par lui-même s’il avait pris 5 min pour le faire. Voire, qu’il a déjà envisagé tout seul)
– quelques jours passent, et le SV se plaint à nouveau du problème. Il n’a pas essayé les solutions proposées et s’il l’envisageait, trouverait de bonnes raisons de ne pas le faire (ce n’est pas le moment, ça ne marchera de toute façon pas, etc.)
Conclusion : il ne VEUT PAS résoudre le problème. Il dit que ce problème lui pourrit la vie. Il communique. Il ne réclame pas. Ça a l’air pareil, vous êtes câblés pour entendre une demande, mais ce n’est pas pareil, ce n’est pas une demande, et la différence est d’importance.
Aparté (dans le registre « faites ce que je dis, pas ce que je fais ») : répondez aux demandes, verbalisées comme des demandes ! Vous savez, ces phrases avec une intonation qui monte et un point d’interrogation à la fin. Celles qui commencent par « Est-ce que tu … ? ». Vous avez appris à les reconnaître à l’école, et puis vous aviez tellement envie de vous sentir utile que vous vous êtes mis à ignorer le point d’interrogation à la fin. Vous proposez avant qu’on vous ai demandé quoique ce soit. L’autre : « J’ai froid », vous : « Tu veux mon pull ? » Et après, vous vous demandez pourquoi on vous a pris votre pull / utilisé ? Ben, vous avez demandé à être utilisés, petits malins ! Vous ne pensiez quand même pas que personne n’allait abuser ? Si ? Alors relisez la partie, plus haut, qui parle de l’humanité imparfaite ! (tout le monde n’est pas comme ça, hein… heureusement. Ceux qui n’abusent pas, voire devancent vos demandes à vous de temps en temps, seront de très précieuses relations)
Revenons à notre SV :
Pourquoi, mais pourquoi ne veut il pas résoudre ce problème qui lui pourrit la vie ? Parce qu’il ne pourrait plus se plaindre ! Parce que le problème « remplit » sa vie, que c’est un problème qui a le mérite d’être familier, et que le familier, c’est rassurant. Et puis, que serait un Sauveur sans problèmes à résoudre ? Plus rien. Perte d’égo, perte d’identité, panique.
Et c’est là qu’il est important d’ouvrir les yeux et de se préparer à prendre ses distances émotionnelles : le sauveur-victime, qui verbalise que sa situation n’est pas normale, qu’il ne devrait pas avoir à gérer ce genre de détail, que ses collègues le placent dans des situations impossibles REVENDIQUE par là son statut de victime. Il ne place pas ses collègues devant leurs responsabilités, il les endosse. Ben oui, il est le seul à pouvoir faire les choses correctement, de toute façon. Et hop, le monde repose sur ses épaules et il ne veut surtout pas partager ce fardeau. Il aime son rôle, et il veut le garder.
Et l’INFJ, là dedans ?
Et bien, en général, on identifie le SV au fait qu’il a des « soupapes », qui gravitent autour de lui. Des personnes plutôt jeunes et/ou de bonnes volontés (stagiaires, CDD…), à qui il va pouvoir expliquer combien il souffre, qui vont compatir, et sur qui il pourra faire retomber les conséquences de son débordement dû au fait d’être seul à sauver le monde (comprenez sa discipline ou son domaine pro) et à son éventuelle désorganisation. Et qui vont le défendre, bien sûr (si vous ne comprenez pas pourquoi, cliquez là : « syndrome de Stockholm »).
Les **FJ font d’excellentes soupapes. F leur donne de l’empathie et grâce à J, ils sont organisés, ce qui permet de compenser le côté professeur Tournesol du SV (souvent soit P, soit tellement dans les hautes sphères qu’il est incapable de trouver l’interrupteur qui est devant son nez). Le SV le sait, et va faire en sorte de leur donner assez de validation positive pour qu’ils se précipitent à son service.
L’enjeu, quand vous repérez ce scénario, est le dosage. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, vous pouvez vous-même vous retrouver à devenir un SV, en essayant de sauver le vôtre !!! Votre priorité doit donc être de ne pas vous faire prendre dans sa logique, et de garder une forme d’indépendance.
Donc, vous allez l’aider autant que possible SI vous le souhaitez – parce que vous en avez envie, parce que c’est un « moteur » pour vous, parce que c’est intéressant professionnellement, mais en faisant attention à ne pas vous laisser « bouffer » non plus.
Rien ne vous empêche d’avoir de l’empathie pour votre SV. C’est souvent quelqu’un de brillant, avec des côtés attachants. Un Don Quichotte des temps modernes. Mais il faut vous souvenir que c’est aussi quelqu’un qui n’a pas suffisamment de lucidité, de volonté ou de force, pour comprendre son propre fonctionnement et la manière dont il crée ses problèmes (c’est déjà pas facile d’en prendre conscience, je ne vous parle même pas du fait de commencer à essayer de changer…) Vous, vous êtes assez perfectionniste pour vouloir faire mieux !
Si vous êtes INFJ, commencez par essayer de mettre Fe en veilleuse pour analyser ce qui se passe. Vous repérez un potentiel SV ? Ne vous précipitez pas dans le sauvetage, en mode « le messie est arrivé, tout va s’arranger ». Observez. Ni et Ti sont deux fonctions qui peuvent vraiment vous aider : Ni parce qu’elle va vous souffler que la situation est anormale et qu’il y a un dysfonctionnement quelque part, Ti parce qu’elle va vous aider à repérer les incohérences (tiens, le SV vient de totalement ignorer la solution que je lui ai présenté sur un plateau. Hum.)
Une fois que vous aurez compris le problème, il va falloir adapter votre réaction. Inutile d’expliquer en frontal au SV qu’il se crée ses problèmes tout seul : il ne va pas l’entendre et vous allez le braquer. Il faut vous couler dans sa vision du monde, mais sans être dupe.
Il se plaint, vous l’écoutez, vous êtes désolé pour lui, en effet, cette situation n’est pas normale.
Vous pouvez faire quelque chose pour aider et vous en avez envie : vous pouvez toujours proposer (je sais, j’ai dit d’attendre une vraie demande, mais on se refait pas, hein 😉 Et puis j’avais prévenu que j’étais pas bonne pour ça !)
Et c’est tout.
Vous fermez la porte du bureau, et vous passez à autre chose. Vous ne le plaignez pas spécialement : il a bien cherché sa situation. De plus, il a demandé de l’écoute, vous avez donné de l’écoute. Vous êtes en paix avec vous même, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !
Un monde où il est sauveur-victime et où vous n’êtes… ni l’un ni l’autre.
Ma première tendance, je l’ai dit, c’est de basculer en mode sauvetage. Mais, je l’ai dit aussi, ces personnes ne veulent pas, fondamentalement, être sauvées. Si vous essayez quand même, vous allez vous prendre un retour de bâton violent dans la figure. Et c’est comme ça qu’on devient aigri : « comment peut-il me traiter comme ça alors que j’ai juste voulu l’aider ? ». Ben, parce qu’il n’a rien demandé ! Imaginez qu’on vienne vous faire boire votre thé comme si vous n’étiez pas capable de le faire tout seul, ce serait énervant, non ? Donc, on prend du recul et on fait des petits tests, on propose des petites solutions par ci, par là, et on voit ce qui est bien accepté ou non.
Et si au bout de très longtemps (je parle en mois, au minimum !), une relation de confiance se crée, et que la situation est propice, on peut tenter de glisser une ou deux remarques pour essayer de faire réfléchir le SV. Sans espérer de miracles. On plante une graine, on ne fait pas tomber un arbre en travers de la route. Ni même une branche (voir la mention du bâton, ci-dessus) !
Et dès que quelque chose n’est pas accepté, on arrête !!! Pas la peine de perdre son temps et son énergie. Il y aura toujours des gens – ou des causes – prêts à accepter votre aide et pour qui vous pourrez faire la différence : focalisez vous sur ceux-là !
Et si vous n’y arrivez pas tout seul… que vous vous retrouvez invariablement à vouloir sauver le monde.. essayez de vous trouver un bon thérapeute, parce qu’il faut que vous compreniez ce qui déclenche ce besoin chez vous pour arriver à vous en dégager. Sinon, vous allez passer votre vie à essayer de sauver des gens qui ne veulent pas l’être, et ça risque fort de vous laisser une impression assez désagréable et de vider votre réservoir de bonne volonté pour ceux qui auraient vraiment besoin de vous. Ce serait dommage, non ?
Sur ce, j’espère que vous n’êtes pas confrontés à ce type de problèmes… et je vous souhaite une bonne rentrée !
PS : j’ai bien noté tous les commentaires et autres messages auxquels je n’ai pas répondu, ça va venir, soyez patients !